Éducation et Bien-Vivre: Compétences transdisciplinaires pour la formation des enseignants

Education and Good-Living: Transdisciplinary Skills for Teachers´ Training

  • Javier Collado-Ruano
  • Mario Madroñero Morillo
  • Freddy Javier Álvarez González

1 Introduction: le Bien-Vivre comme alternative indigéniste au développement

La perspective du présent article est d’aborder les processus de formation et de développement de compétences pour des professionnels de l’éducation, avec comme objectif de promouvoir et de s’occuper d’une éducation pour le Bien-Vivre. Selon l’économiste et politicien Alberto Acosta (2013), la notion de «Bien-Vivre» est une proposition politique et philosophique basée sur le Sumak Kawsay, une vision du monde ancestrale kichwa qui comprend l’être humain comme une partie intégrale et indépendante de son environnement social et naturel. Cette vision du monde est également connue sous le nom de Suma Qamaña pour les peuples Aymara de Bolivie, Pérou, Chili et Argentine (Tortosa, 2009). Par conséquent, Bien-Vivre est l’essence même de la philosophie autochtone amérindienne, caractérisée par sa vision interculturelle, plurinationale et décoloniale. Comme Acosta l’exprime à propos de cette conception ancestrale :

Lorsque nous parlons de « Bien-Vivre », nous proposons une reconstruction de la vision utopique de l’avenir andin et amazonien, qui devrait être complétée en incorporant d’autres discours et propositions de différentes régions de la planète, liées spirituellement à une transformation civilisatrice. (Acosta, 2013, p. 47, traduction par les auteurs)

A partir de cette lecture du monde qui utilise les «cosmovisions» andines et amazoniennes comme axe d'énonciation épistémologique, politique et éducative, le Bien-Vivre apparaît comme une alternative au développement occidental et comme une opportunité d'imaginer d'autres mondes. De cette manière, les sciences de l’éducation du Bien-Vivre naissent comme une proposition décoloniale où l’être humain transforme les manières de se rapporter à sa propre nature. Cette pédagogie de bio-alphabétisation dérivée du Bien-Vivre fusionne science et spiritualité, créant une écologie de connaissances transdisciplinaires qui nous permet de repenser la gouvernance planétaire à partir de pratiques éducatives interculturelles qui aident à désapprendre et à réapprendre, à la fois matériellement, intellectuellement, spirituellement, mentalement et affectivement (Collado, Madroñero et Álvarez, 2019). Pour cette raison là, le développement de compétences professionnelles pour les sciences de l’éducation du Bien-Vivre demande une compréhension multidimensionnelle de notre condition humaine dans la Pachamama - notre Mère Terre selon la vision du monde des peuples indigènes andins (Moya, 2017). Lorsqu’on observe les connections entre le microcosme et le macrocosme, il est perceptible que l’être humain ne relève pas du chaos et de l’arbitraire mais qu’il appartient à un long réseau d’interdépendances, complémentations et réciprocités qui constituent la vie (Collado, 2016a). L’apparition de la vie dans la Terre, il y a 3,8 milliards d’années, est un processus complexe de phénomènes naturels exceptionnels, intrinsèque à tous les systèmes vivants, qui s’exprime au travers d’une créativité sans limites: mutations, échange de gènes et symbiose (Capra, 1998).

Selon l’hypothèse scientifique de Gaia formulée par la biologiste Lynn Margulis et le chimiste atmosphérique James Lovelock (1989), notre planète Terre est un système dynamique qui agit comme une totalité autopoïétique où les systèmes vivants et non vivants s’entrecroisent dans un même réseau d’interdépendance. Dans des études plus récentes de Barrau, Gyger, Kistler et Uzan (2010) et Arturo Escobar (2014), ces conceptions sur l’origine de la vie ont été abordées d’une perspective de multivers et plurivers. Dans toutes ces perspectives, l’évolution des organismes vivants est étroitement liée à l’évolution de son environnement: en s’adaptant mutuellement dans un seul processus de coévolution. À partir de cette perspective coévolutive, on constate une nouvelle dimension conceptuelle de la vie, où tous les êtres vivants partagent la base d’un même code génétique: les vingt acides aminés et les quatre bases phosphatées. La biodiversité entre être vivants est l’origine d’une combinaison de cette base cosmo-bio-génétique (Collado, 2016b). Les particules atomiques qui composent la vie de notre planète sont nées dans les premières secondes du cosmos, nos atomes de carbone ont été créés dans un soleil antérieur au notre et nos molécules se sont formées dans la Terre (Morin, 2011). Conformément à des preuves fossiles trouvées en Afrique, l’Homo sapiens a évolué anatomiquement entre 200.000 et 100.000 ans en tant qu’animal vertébré, mammifère, de l’ordre des primates. Nous sommes une sous-histoire de l’histoire de la Terre, qui est, à son tour, un chapitre de l’histoire de l’univers.

Cette perspective co-évolutive a un profond sens écologique et spirituel pour notre vision du monde globalisé d’aujourd’hui, puisque l’aventure évolutive humaine est l’étape la plus récente de la vie de notre planète. Cependant, notre capacité d’adaptation et de transformation à l’environnement a provoqué une empreinte écologique (Wackernagel et Rees, 1996) irréparable que la communauté scientifique a baptisé avec le terme de «anthropocène», pour être une nouvelle période géologique caractérisée par l’impact du comportement humain dans l’atmosphère terrestre (Steffen, Crutzen et McNeil, 2007). Notre comportement consumériste est plongé dans une dynamique fataliste lié au changement climatique (déforestation, perte de biodiversité, réchauffement global, couche d’ozone...) et à notre propre autodestruction en tant qu’espèce (Collado, 2016c). Pour cette raison-là, il est primordial de repenser de façon transdisciplinaire les processus de constitution humaine, avec l’objectif principal d’identifier et de développer les compétences nécessaires requises pour affronter les challenges de l’actuelle globalisation.

2 Première étape : éducation transdisciplinaire comme développement humain multidimensionnel

La reconnaissance de la coévolution comme phénomène ontologique a des implications philosophiques profondes qui impliquent une révolution dans les valeurs du modèle de civilisation actuel. Nous ne pouvons maintenir l’ordre socio-économique capitaliste car il est incompatible avec les limites biophysiques de la Pachamama (Álvarez, 2013). En réalité la crise économique est une crise de civilisation planétaire caractérisée par l’exploitation et l’épuisement de ressources matérielles et énergétiques de la nature. Pour cette raison, la formation de compétences professionnelles représente un point essentiel pour se diriger vers le Bien-Vivre. Par conséquent, ce présent travail de recherche traite les différentes dimensions formatives que les professeurs du XXI siècle devraient développer pour transformer la réalité socio-écologique.

Comme son nom l’indique, l’éducation transdisciplinaire nous révèle l’intentionnalité de transgresser l’approche unique par les disciplines, reconnaissant ainsi la multi-dimensionnalité et le dynamisme intrinsèque des phénomènes qui interagissent dans la formation humaine. D’après le physicien nucléaire Basarab Nicolescu (2008), la transdisciplinarité est l’approche qui transcende les disciplines, qui se situe entre, à travers et au-delà des disciplines. Selon le médecin Patrick Paul (2009, p. 292), ce concept est très présent dans presque toutes les traditions et visions du monde spirituel, et c’est pourquoi cette définition de l’apprentissage et du développement humain apparaît aussi dans les champs de la philosophie et de l’anthropologie.

Pour cette raison, la transdisciplinarité constitue la méthodologie épistémologique idéale pour promouvoir des compétences professionnelles dans l’éducation du Bien-Vivre, puisqu’elle associe des savoirs scientifiques et non scientifiques. En abordant les paradigmes épistémologiques de la philosophie, de la science et de l’éducation, Javier Collado (2016d) affirme que tous les enseignants ont besoin d’apprendre à associer leurs dimensions cognitives, intellectuelles, perceptives, affectives, émotionnelles, spirituelles, religieuses, politiques, rhétoriques, poétiques, artistiques, épistémiques et philosophiques pour apprendre à co-évoluer d’une manière réciproque et intégrale avec la Pachamama.

Cette perspective co-evolutive et systémique nous aide à comprendre le caractère transdimensionnel de notre condition humaine qui est constitué par de multiples dimensions et inter-rétroactions entre les différents niveaux de réalité (cadre ontologique) et les niveaux de perception humaine (cadre gnoséologique) (Pasquier, 2013, 2014). La réalité n’est pas quelque chose qui est à l’extérieur ou à l’intérieur de nous: c’est les deux choses en même temps. Math Hathaway et Leonardo Boff (2014) affirment qu’il est donc nécessaire de réintroduire les dimensions émotionnelles et spirituelles dans les processus d’enseignement-apprentissage de l’éducation formelle, non formelle et informelle, puisque ce sont des dimensions humaines instructives qui sont directement liées avec les déséquilibres socio-écologiques actuels.

Dans cette ligne de pensée transdisciplinaire se trouvent les modèles de formation humaine que le psychologue et scientifique de l’éducation Gaston Pineau (2004) et le médecin et anthropologue Patrick Paul (2009) proposent. Dans les deux modèles théoriques de formation humaine, le fait de penser de manière complexe pour comprendre les interrelations du tout avec les parties et vice versa est recherché. En conséquence, la connaissance et l’apprentissage humain impliquent le développement des processus autorégulateurs, auto-organisateurs et autotransformateurs qui impliquent différentes dimensions présentes dans la complexité humaine. Selon la « Théorie Tripolaire de la Formation » postulée par Pineau (2004), où la méthodologie des histoires de vie et les diverses formulations que les sujets donnent à leurs parcours de formation sont explorées, il y a trois processus essentiels à la formation humaine: la personnalisation, la socialisation et l’écologisation. Cette perspective théorique l’a amené à formuler trois concepts de formation humaine: l’«autoformation», par rapport à soi-même ; l’«hétéro-formation», par rapport aux autres ; et l’«écoformation», par rapport au monde.

Le terme «autoformation» est apparu avant les deux autres et a favorisé le développement de recherches sur «l’émancipation des acteurs pour l’appropriation de leur pouvoir de formation» explique Pineau (2004, p. 130). Le concept d’«»hétéro-formation» fait référence à la dimension sociale de l’action éducative par rapport aux autres et le terme d’«écoformation» désigne les processus d’instruction par rapport à l’environnement matériel (Pineau, 2004, p. 132). Il souligne qu’aucune de ces dimensions de formation ne devrait prédominer sur une autre, en suggérant le terme «co-formation» pour décrire certains processus éducatifs et de formation axés sur les interrelations des acteurs, où se produisent des inter-rétroactions non hiérarchiques. C’est ici que Paul préconise une articulation de toutes ces dimensions de la personne désignée par Pineau (2004) pour pouvoir développer une quatrième dimension appelée comme «ontoformation».

Selon la « Théorie de l’Anthropoformation» de Paul (2009, p. 28), la formation humaine est «le processus global et général (spécial et unique au même temps, mais aussi social et collectif) articulant les relations interactives entre l’écoformation, l’hétéro-formation, l’autoformation et l’ontoformation». En plus d’augmenter une nouvelle dimension, Paul (2009) propose également une modélisation détaillée des différents niveaux de réalité de formation du sujet transdimensionnel qui se résument dans la figure 1 réalisée par Ammerico Sommerman (2012, p. 808) .

Imagen

Figura 1

Niveaux de réalité de formation du sujet transdimensionnel.
Source: Sommerman (2012, p. 808).

Comme Sommerman (2012) le résume dans la figure 1, la modélisation proposée par Paul (2009) est constituée par quatre dimensions de la formation humaine: l’ontoformation (N0), l’autoformation (N1), l’hétéro-formation (N2) et l’écoformation (N3). Pour Paul (2009, pp. 531-535), le niveau de réalité de N0 est unitif et correspond à la dimension d’ontoformation, où une logique unaire pour comprendre la virtualité et la potentialité qui va au-delà de toute forme et image de ce niveau ontologique est nécessaire. Le N1 est un niveau non dual qui correspond à la dimension d’autoformation, où se manifestent les potentialités contenues dans le N0, pour dont la compréhension est requise de la logique du tiers inclus. Le niveau N2 concerne les interactions duales de la dimension hétéro-formative, dont la logique binaire réfléchit sur la vie et la mort, le subjectif et l’objectif, l’individuel et le collectif, etc. Finalement, le niveau fusionnel N3 correspond à la dimension écoformative où la symbiose constitue la base fonctionnelle des systèmes vivants de la nature. À son tour, ces quatre dimensions sont parcourues épistémologiquement par le sujet transdisciplinaire par le moyen de différentes étapes: passer de l’écoformation (N3) à l’hétéro-formation (N2) constitue un trajet psychogénétique de la formation de l’être humain; le passage de l’hétéro-formation (N2) l’autoformation (N1) constitue le trajet imaginaire; et le passage de l’autoformation (N1) à l’ontoformation (N0) constitue un trajet théophanique de la formation de l’être humain en ce contexte global (Paul, 2009, p. 541).

Dans son ensemble, la modélisation multidimensionnelle proposée par Pineau (2004) et Paul (2009) pour la formation de l’être humain suppose une nouvelle approche transdisciplinaire qui nous aidera à affronter les défis de non-durabilité planétaire de l’humanité du XXI siècle. Par conséquent, l’éducation concentrée sur l’apprentissage et le développement humain pour le Bien-Vivre a besoin de renforcer les quatre dimensions proposées par Pineau (2004) et Paul (2009) pour la formation transdisciplinaire d’un être humain complexe dans une coévolution matérielle constante, énergique et informationnelle (Maturana et Varela, 2011).

Dans ce cadre de complexité épistémologique de la formation éducative humaine, l’éducatrice Dominique Cottereau (2001, 2005) complète la dimension « écoformatrice» en proposant une «valse à trois temps pour la formation écologique». Il s’agit d’un dialogue épistémologique qui intègre les relations de l’être humain avec la nature pour structurer une vision éducative transdisciplinaire qui promeut un développement durable et régénératif (Collado et al. 2019). «L’écoformation est un projet d’éducation/formation à la hauteur que les défis psycho-socio-environnementaux ont soulevé. Les contributions de l’exploration conceptuelle ne sont pas sans la nécessité d’ouvrir des voies pour l’intervention près des enfants, des jeunes et des adultes» (Cottereau, 2005, p. 112).

Le premier temps de l’écoformation concerne l’apprentissage de savoirs relatifs à l’environnement, les sciences naturelles et les sciences humaines qui entretiennent la raison et la connaissance. Le deuxième temps enrichit le premier à travers l’expérience pratique du monde, où le sujet transdisciplinaire développe des liens affectifs et émotionnels avec la nature. Le troisième temps correspond à l’appréhension de l’expérience, de l’écoute sensible, la réflexion sur les gestes qui sont normalement automatiques dans notre quotidienneté, puisque la prise de conscience écologique implique la rétroaction des actions automatiques que nous réalisons de façon presque automatique. Sortir de « l’inconscience écologique» requiert de prendre conscience des multiples dépendances que nous avons avec l’environnement au travers de l’exploration de nos histoires qui «parlent sur notre façon de vivre dans le monde, de nos relations avec l’espace, avec les paysages, avec des objets, les matériaux, avec la nature, avec les saisons, avec les moments du jour» (Cottereau, 2001, p. 65). À cet égard, Cottereau (2001, p. 66) demande un rôle plus éminent de l’éducation informelle et non formelle dans l’écoformation puisque cette «grammaire de l’intuition, de l’écoute, du sensible (…) est enseignée loin des tableaux noirs, des livres de loi et des chaires universitaires»

Le chercheur-pédagogue Pascal Galvani (2001), d’une manière complémentaire à cette demande écoformative, considère comme fondamental l’échange interculturel et transculturel avec toutes les anciennes cultures, spécialement avec les peuples originaires indigènes des Amériques, puisque l’essence primordiale de l’acte éducatif est l’immersion expérimentale du sujet transdisciplinaire. L’apprentissage significatif s’établit à partir d’un «type de comportement et de valeurs qui se développent au cœur de l’expérience par le moyen d’une relation globale avec les autres et avec le monde» (Galvani, 2001, p. 92). Pour cette raison-là, Galvani (2002) définit la formation comme l’histoire des interactions et des unions structurales de l’être humain avec son environnement physique et social. C’est pourquoi les différents niveaux de formation comportent différents niveaux d’interactions entre les personnes et l’environnement: «le niveau pratique du geste, le niveau symbolique de l’imaginaire et le niveau épistémique du concept» (Galvani, 2002, pp. 102-103). Le niveau d’interactions pratiques correspond à une raison expérimentale, le niveau d’interactions symboliques correspond à une raison sensible et le niveau d’interactions épistémiques correspond à une raison formelle. En somme, l’échange interculturel et transculturel proposé par Galvani (2001) pour le développement de l’écoformation est en harmonie avec le concept de l’anthropoformation crée par Paul (2009) pour inclure et articuler toutes les dimensions humaines dans la trajectoire éducative.

Ces propositions de formation humaine parviennent à harmoniser une écologie d’intelligences où la Théorie des Intelligences Multiples du psychologue Howard Gardner (1983), la Théorie de l’Intelligence Émotionnelle formulée par le psychologue Daniel Goleman (1995), et l’Intelligence Spirituelle postulée par la physicienne Danah Zohar avec Ian Marshall (2000) convergent. Cette écologie des intelligences humaines réussit à réduire l’excès de l’estime de soi du sur-moi et à intégrer un ensemble de savoirs et de sentiments inter-liés -insights- qui développent l’aventure d’introspection humaine dans des actes d’autoréflexion et d’auto-conscience, évidentes dans la diversité épistémique.

L’auto-conscience, selon Goleman (1995, p. 60), est une «attention permanente à tout ce que l’on ressent à l’intérieur». Dans cette conscience autoréflexive, l’esprit observe et recherche ce qui est en train être vécu, les émotions inclues. Ce type de conscience est similaire au concept d’ «écoute fluctuante» que le psychologue Sigmund Freud a recommandé à ceux qui voulaient se dédier à la psychanalyse, mais également à la notion de «méditation auto-connaissante» du philosophe et théologien Jiddu Krishnamurti (1966). La perspective «cosmothéandrique» Raimond Panikkar (2005) constitue également une conception de la conscience depuis les pratiques mystiques Orientales, comme les propositions de Davi Kopenawa et Albert Bruce (2013, 2015) sur la conscience dans le contexte de la pensée indigène amérindienne de l’Amazonie, où l’écoute de mémoires et chants ancestraux – ainsi que l’attention des rêves -, est fondamentale dans le processus de l’apprentissage et la génération de l’auto-conscience de l’altérité.

Dans son ensemble, tous les auteurs et auteures nous incitent à développer un dialogue intérieur pour apprendre à nous connaître à nous-mêmes par le biais d’une expérimentation auto-connaissante qui implique l’observation de notre propre pensée. Enquêter sur l’expérience à travers l’introspection de notre propre pensée requiert la reconnaissance du rôle exécuté par la conscience. Il est évident que l’auto-connaissance ne peut pas être une technique transmissible dans ses procédures opérationnelles. Selon Krishnamurti (1966), une idée de lumière propre où l’auto-connaissance est un moyen pour la pratique de la recherche de soi, comprenant cette pratique comme la plus urgente et vitale de l’être humain pour affronter la profonde crise écologique et existentielle vécue, est nécessaire. «Naturellement, vivre dans cette harmonie avec la nature, avec la Terre, crée un monde différent» déclare Krishnamurti (1991, p. 62). En d'autres termes, divers penseurs et spécialistes s'accordent à dire que la paix intérieure, obtenue grâce à des exercices de connaissance de soi, est un élément clé pour parvenir à des processus de durabilité à plusieurs niveaux. Cette relation de l’être humain avec la vie correspond aussi avec une conception innovatrice introduite par Davi Kopenawa et Albert Bruce sur les visions du mode ancestrales des chamans. Selon Kopenawa et Bruce (2015, p. 468) :

La pensée des chamans, s’étend partout, sous la terre et les eaux, au-delà du ciel et dans les régions les plus distantes de la forêt et au-delà. Ils connaissent les innombrables mots de ces endroits et ceux de tous les êtres des premiers temps. C’est pourquoi ils aiment la forêt et ils la défendent. L’esprit des grands hommes des blancs, en revanche, ils ont seulement des traces de mots emmêlés qu’ils regardent sans s’arrêter comme ils font avec l’argent. Ainsi, ses pensées ne peuvent pas aller très loin. Ils sont suspendus et il est impossible pour eux de connaître la forêt comme nous. C’est pour cette raison-là que cela ne les dérange pas de la détruire! Ils se répètent à eux-mêmes, qu’elle grandit toute seule et que cela couvre le sol. Ils pensent certainement qu’elle est morte. Cependant cela n’est pas vrai. Elle semble être immobile et sans changement parce que les Xapiri (esprits) la protègent avec courage (…). La forêt est vivante, c’est de là que sa beauté provient.

Pour Kopenawa et Bruce (2015), les réussites de la pensée contemporaine manifestent des possibilités inouïes pour repenser la vie et les sciences qui prétendent la comprendre. Dans le contexte de l’éducation et des sciences du Bien-Vivre, la reconnaissance constitutionnelle des droits de la nature par l’Équateur en 2008 constituent déjà un antécédent historique pour nous repensons le sens du concept de développement durable, et pour commencer à parler de développement régénérateur. Dans ce sens, la Pachamama est proclamée sujet de droit dans l’article 72 de la Constitution du Équateur en établissant que la nature a le droit à la restauration. Selon Eduard Müller (2018) le concept de développement durable a une vision réductionniste et nous devons en promouvoir une plus holistique pour l'éducation du futur. Le développement durable vise à minimiser l’impact des êtres humains sur la nature, tandis que le développement régénératif vise à maximiser l’impact de l’être humain sur la nature. Avec cette vision régénératrice nous poser ces questions: comment créer une éducation pour le Bien-Vivre? Quelles sont les compétences professionnelles pour le Bien-Vivre? Comment développer des aptitudes et attitudes de manière multidimensionnelle pour apprendre à co-évoluer dans une réciprocité avec la Pachamama? Quel est le rôle des épistémès ancestrales dans l’éducation?

3 Deuxième étape: en intégrant les savoirs de l’ancestralité absolue et de l’ancestralité alternative

Conscient que l’intégration des savoirs ancestraux dans les sciences de l’éducation pour le Bien-Vivre est un défi épistémique, éducatif, pédagogique et didactique, cette étape se focalise dans la présentation de l’ancestralité absolue et alternative comme des savoirs nécessaires des processus de formation des enseignants. Le problème que soulève l’ancestralité par rapport au savoir et à la dimension épistémique qui lui correspond, provoque une série de questionnements sur l’histoire des systèmes de pensée impliquant les sciences en général. Pour cette raison-là, il est nécessaire d’introduire les savoirs ancestraux comme compétences fondamentales pour la formation des enseignants qui est concentrée sur le Bien-Vivre. Certainement, la formation qualifiante pour l’éducation du Bien-Vivre implique un apprentissage significatif basé sur l’auto-découverte propre où la connaissance se gère par le moyen de la recherche scientifique et l’introspection spirituelle. Cette convergence épistémologique de caractère transdisciplinaire nous incite à nous demander comment réglementer ce type de recherche. Dans ce contexte, qu’est-ce que le droit à faire des recherches entraîne? Ceci fait monter à la surface, dans l’horizon de la production de savoirs, des connaissances et des valeurs sur la vérité et les conceptions de l’éducation. Ceci dans des espaces où il y a de la diversité épistémique dû à des contextes inter et transculturels qui composent le tissu social.

Dans cette convergence, le problème d’ancestralité surgit où (Meillasoux, 2015, p. 36) s’interroge sur les énoncés ancestraux des sciences: «nous dénommions ancestral toute réalité antérieure à l’apparition de l’espèce humaine, y compris antérieur à toute forme de vie enregistrée sur la Terre». Par rapport à l’apparition de la vie et de l’espèce humaine, l’antériorité de toute réalité génère une crise de représentation sur l’origine de la réalité en elle-même, quant à ses dimensions génétiques et cosmogoniques. C’est pourquoi, la mention de l’ancestral provoque une suppression des fondements du présent et la façon dont l’existence est apprise et comprise. En tenant compte que la crise se produit dans l’histoire des systèmes de pensée, Quentin Meillasoux (2015) propose une possibilité pour s’approcher d’elle depuis une herméneutique de l’ancestralité, laquelle s’appuie sur le concept d’archifossile:

Ce qui est appelé archifossile ou matière fossile ne sont pas les matériaux qui indiquent des empreintes d’une vie passée, des fossiles dans les sens propres, mais des matériaux qui indiquent l’existence d’une réalité ou d’un événement ancestral, antérieur à la vie terrestre. Un archifossile désigne alors le support matériel à partir duquel se réalise l’expérimentation qui donne lieu à l’estimation d’un phénomène ancestral, par exemple, un isotope dont la vitesse de décomposition est connue à travers de la radioactivité, ou de l’émission de lumière d’une étoile susceptible de nous donner des informations sur la date de sa formation. (Meillassoux, 2015, pp. 36-37).

La mention de l’archifossile, comme concept critique pour la compréhension de l’«événement ancestral», constitue un point de référence de l’herméneutique de l’ancestral puisque il s’agit de comprendre des faits durant le démantèlement même de la réalité. Cette vision s’approfondit dans ce que Maurice Blanchot (2002) a proposé comme l’existence d’une pensée dans laquelle il n’y a pas encore de monde, ou de la déconstruction des origines ce qui implique «penser l’originalité de l’extérieur des schémas de la représentation» (Meillassoux, 2015, p. 33).

Le traitement de ce problème entraîne le fait d’assumer une perspective de «correlationalité» critique pour approfondir les magnitudes de l’ancestral où les «énoncés ancestraux de la science» s’expriment. De tels énoncés, qui se réfèrent à l’origine de l’univers, déforment la temporalité des systèmes de la pensée qui sont à la base des régimes de la représentation de la tradition philosophique moderne et postmoderne, délimitée au contexte européen. C’est pourquoi il trouve une voie herméneutique, dans la reconceptualisation de l’absolu, proposée comme un «se détacher», grâce à un mouvement d’extériorité qui dépasserait la constitution de l’altérité et provoquerait une manifestation d’un se faire autre (Pessoa, 1997), conçu comme un espace-temps dans lequel la magnitude ancestrale aurait lieu. Ce mouvement fait que les énoncés ancestraux dépassent les épistèmes imposés par la colonisation, en faisant émerger une diversité par la fission d’horizons d’une raison plus proche du principe de raison (Kontopoulos, 1993; Meillassoux, 2015):

C’est une ligne simple. Elle peut avoir plusieurs tonalités, un peu comme un spectre de couleurs séparées par des traces verticales courtes. Sur ceux-là, des chiffres qui symbolisent des quantités immenses. C’est une ligne comme on voit dans n’importe quelle œuvre de divulgation scientifique. Le chiffres désignent les dates, et ces dates sont fondamentalement celles de:

  • l’origine de l’Univers (13,5 milliards d’années);
  • la formation de la Terre (4,45 milliards d’années);
  • l’origine de la vie terrestre (3,35 milliards d’années);
  • l’origine de l’homme (Homo habilis, 2 millions d’années)

Aujourd’hui, la science expérimentale est capable de produire des déclarations concernant des événements antérieurs à l’avènement de la vie comme de la conscience. Ces déclarations consistent en la datation d’«objets» parfois plus anciens que toute forme de vie sur la Terre. (Meillassoux, 2015, pp. 34-35).

La pensée ancestrale comporte, dans ce contexte, la possibilité d’une esthétique de l’archifossile, qui est susceptible de recréer l’origine. Mais contrairement à l’ancestralité absolue, une telle antériorité, révèle une ancestralité d’altérité, que nous allons évoquer comme ancestralité alter-native. Juan Winter (2015) propose par exemple une «pensée Watunna» de la mythologie Makiritare pour comprendre le «cycle de création de l’Orénoque»:

La pensée Watunna est plutôt acosmique, désormais nous allons employer le terme acosmique, non pas pour évoquer une absence du cosmique, mais pour se référer à une dimension cosmique amplifiée, qu’excède le cosmos physico-naturaliste réellement existants dans la discipline de la physique, laquelle, comme Markus Gabriel le précise, est à peine une province des innombrables champs de sens auxquels la vie quotidienne nous affronte. (Winter, 2015, p. 134)

L’approche de la notion d’ancestralité alter-native surgit à partir de l’ampleur de Pachamama, alors que la temporalité de création, dans laquelle il y a une manifestation de l’antériorité de la pensée ancestrale, qui a comme forme le «Sumak Kawsay», ou Bien-Vivre (Madroñero, 2015). Parler d’éducation et de sciences du Bien-Vivre se traduit par l’intégration d’une vision du monde de la proposition philosophique et politique de vie basée sur des valeurs ancestrales de peuples indigènes des Andes qui vivent en relation harmonieuse avec la nature. D’où l’importance d’une réflexion sur les conséquences de la relation entre sciences et éducation, puisqu’elle favorise la nécessité d’une critique différente. Cette critique de la raison de l’altérité pourrait régler le problème de l’ancestralité dans l’éducation et dans lequel elle se présenterait comme le noyau de la diversité épistémique quant à la production de sciences et connaissances qui assument la gravité des «énoncés ancestraux». À cet égard, les questions suivantes font surface: qu’est-ce que l’éducation du Bien-vivre par rapport aux déclarations ancestrales qui soutiennent la relation avec le Bien-Vivre implique? Comment travailler les compétences formatives pour le Bien-Vivre? Et dans cette dimension, qu’est-ce que l’ampleur de Pachamama en tant que temporalité de création et susceptible de générer des temps d’apprentissage du Bien-vivre, implique en terme de développement de compétences ?

Ces questions qui surgissent à partir de la conception des savoirs ancestraux comme systèmes de pensée complexes sont susceptibles de créer des nœuds de relation de connaissances dans une diversité épistémique qui trouve des voies d’exposition dans la transdisciplinarité en tant que stratégie de prise en charge de la pluralité, des traditions primordiales et de leurs manifestations dans le monde contemporain.

4 Troisième étape: les Sciences de l’Éducation pour le Bien-Vivre comme praxis pédagogique

Au cours de ces dernières décennies, les sciences de l’éducation se sont occupées de systématiser les différents processus de formation des cultures. À partir de la délimitation des formes de compréhension des relations de l’enseignement et apprentissage entre êtres différents, les sciences de l’éducation ont traité l’exposition d’une politique de connaissance (Galceran, 2013). En conséquence, quand l’éducation aborde la science et le Bien-Vivre dans leurs relations, il est nécessaire d’amplifier et complexifier les différents niveaux de compétences formatives de l’éducation transdisciplinaire, puisque la diversité épistémique provoque de nouveaux processus de transformation et d’interaction entre les membres de la communauté académique et éducative.

Dans cette troisième étape il y a une proposition de complémenter les dimensions de formation en compétences transdisciplinaires pour concevoir l’éducation du bien-Vivre comme un système complexe qui se compose, au moins, des dimensions suivantes: ontologique, éthique, esthétique, scientifique, mystique et savoirs ancestraux (théologies, religions), politique, pédagogique, correspondants à la politique de transformation immanente et transcendante de la connaissance, qui encourage les sciences de l’éducation du Bien-Vivre. En agrandissant l’horizon de réflexion de l’éducation transdisciplinaire avec le concept du Bien-Vivre en éducation, un modèle alternatif de formation des enseignants se génère, qui comprend l’être humain comme partie intégrale et inter-indépendante de son environnement social et naturel. C’est pourquoi, la promotion du Bien-Vivre dans les centres d’enseignement-apprentissage constitue un élément essentiel dans le développement des compétences professionnelles des futurs enseignants. L’éducation au Bien-Vivre se nourrit de la formation humaine transdisciplinaire avec l’objectif de provoquer une polysémie propre des contextes inter- et transculturels, alors qu’elle intègre de façon critique les différentes perspectives épistémiques.

Le caractère dynamique du Bien-Vivre fait que cela est susceptible de provoquer des relations inter- et transdisciplinaires, qui auront des répercussions sur la formation des enseignants et étudiants. Ainsi, le Bien-Vivre contribue aussi au développement des compétences dérivées des dimensions «ontoformative» et «écoformative», puisqu’il agit comme un outil épistémique qui génère des processus de re-signification des relations de l’être avec les autres, le monde, la nature et le cosmos. Par conséquent, ce dynamisme génère aussi des mouvements dans la structure et l’histoire des sciences de l’éducation où surgissent les inquiétudes suivantes: qu’est-ce que les sciences de l’éducation du Bien-Vivre impliqueraient? Quelles épistémès pédagogiques génèrent-elles? Quelles seraient les possibles pédagogiques du Bien-Vivre, ses didactiques et ses méthodes? Qu’est-ce qui se comprend par compétences pour le Bien-Vivre? Jusqu’où est-il possible d’enseigner le Bien-Vivre? Est-il possible d’établir des modèles multiréférentiels et polylogiques pour semer le Bien-Vivre?

La complexité du processus d’enseignement-apprentissage comporte la création d’une herméneutique de l’éducation qui permet de considérer les variables au-delà des synthèses traditionnelles et de leur réduction aux mécanismes ou aux formules d’application immédiate. Cette expérience génère des processus de déconstruction des structures cognitives d’appréhension de l’être et du monde vivant, qui provoque une herméneutique de l’altérité et une phénoménologie de l’apprentissage différent. Cette particularité donne au processus une dimension holistique critique par la dimension heuristique qu’elle génère et intensifie. À cet égard, les dimensions mentionnées établissent un réseau de relations qui promeuvent la transformation à partir des affections que provoque le Bien-Vivre, comme nous l’exposons dans la figure 2 .

Imagen

Figura 2

Inter-rétroactions entre les dimensions de la formation humaine.
Source: Collado et al. (2018).

Les relations entre les dimensions se caractérisent par leur caractère transdisciplinaire, ce que demande une diversité épistémique qui excède la fonction d’une conception mécaniste du multiple. Ici, des nœuds de relation s’établissent à un niveau transubjectif qui provoquent une convergence de savoirs, au lieu d’une fusion qui les neutralise au travers d’un canon épistémologique déterminé. C’est de cette manière que l’épistémologie du sud et l’écologie des savoirs (Santos, 2009) peuvent s’assumer comme des formes d’exposition d’une politique culturelle et éducative plus attentive aux problèmes qui surgissent dans les communautés éducatives contemporaines.

Dans le contexte qui est mentionné, après avoir généré une fission d’horizons entre épistémès, les nœuds de relation se caractérisent pour établir des espaces dans lesquels le dissentiment1 est le trait singulier de la trame qu’ils provoquent, grâce à l’instabilité et aux inflexions du réseau de relations composé. Le Bien-Vivre est un concept qui se réfère à une grande ampleur de temps, à une espace-temps pluriel de la vie caractérisé par une ouverture à l’apprentissage continu, à des savoirs équivoques, et avec le projet d’ouvrir des voies de compréhension de l’éducation de la manière suivante:

  1. Dimension ontologique, pour l’enseignant et l’étudiant en vu d’un Bien-vivre constant dans l’apprentissage et l’enseignement.
  2. Dimension éthique, en correspondance avec les modes d’existence de l’enseignant et de l’étudiant cherchant la génération de valeurs qui provoqueraient de la réciprocité.
  3. Dimension esthétique, dans la mesure où il s’agit de la praxis d’une pensée créative et de transformation depuis l’innovation, évidente en épistémès et pédagogies de la créativité qui matérialisent ses propositions à niveau imaginaire, symbolique, iconographique, acoustique, sonore, technologique, conceptuel, culturel.
  4. Dimension scientifique, quant à la relation dialogique entre les diversités épistémiques, concepts inter et transculturels sur la praxis scientifique et technologique, en réciprocité critique.
  5. Mystiques et savoirs ancestraux, quant aux systèmes de pensée complexe sur la subjectivité (manifestés en théologies, religions, intuitions, sensations, sentiments, émotions, passions) et quant aux conceptions sur la spiritualité et les relations entre être différents (conceptions théologiques et politiques).
  6. Dimension politique, en référence aux décisions d’apprentissage avec réciprocité dans et pour la production de savoirs et connaissances dirigés vers la réappropriation sociale et pour l’avenir de la communauté2.
  7. Dimension pédagogique, quant au différences pratiques. Stratégiques et tactiques innovatrices du corpus des sciences de l’éducation du Bien-vivre.

L’équivoque et l’équivalence de la réciprocité entre diversité épistémique, suscite la transdisciplinarité et encourage la formation de nœuds critiques de relation qui provoquent, à leur tour, un chaosmosis (Guattari, 1996) conceptuel en tant que praxis de la pensée. La convergence de forces dans un ininterrompu de création, équivalant à la forme de relation avec la terre assumée comme pachamama, génère des réseaux de matrices de sens et de trames conceptuelles vitales comme celles qui intègrent de façon holistique le sumak kawsay. Ce concept forme un quinconce3 avec d’autres: Samay, en tant que souffle, animus, esprit. Samay est susceptible d’établir des relations en communalité (Rivera, 2017) et d’être en commun avec l’altérité. Munay, qui se réfère à l’établissement d’une relation avec l’altérité constructive de la transubjectivité de l’être et de celle des autres. Llankay, correspondant à l’action volontaire de participation dans cette politique de relations d’altérité, qui implique une action sur soi-même et avec les autres. Ici se fixe la gestation et l’invention ou l’innovation de procès de transformation, qui provoque une relation où se génèrent des modes d’existence réciproques, comme dans notre figure 3.

Imagen

Figura 3

Diagramme de relation entre l’ancestralité et les compétences pour le Bien-Vivre.
Source : Collado et al. (2018)

Comme nous pouvons le voir dans le diagramme, former des compétences pour le Bien-vivre requiert d’aller au-delà de la conception épistémologique des modèles d’éducation transdisciplinaire et nécessite d’intégrer les savoirs ancestraux absolus et alter-natifs. Concevoir la formation humaine comme un système complexe de connaissances scientifiques et de savoirs ancestraux potentialise notre capacité pour apprendre à sentir-penser-agir de façon résiliente et durable avec la Pachamama (Collado, 2016d). En ce sens, la formation de compétences pour le Bien-vivre exige une approche cosmoderne qui intègre la connaissance scientifique d’un univers physique extérieur avec la sagesse spirituelle d’un univers émotionnel intérieur. Cette approche épistémologique transdisciplinaire définit la nature d’une philosophie cosmoderne qui cherche à intégrer, inclure et combiner les multiples dimensions cosmiques, physiques, biologiques, écologiques, spirituelles, religieuses, mystiques, rationnelles, sociales, politiques, éthiques, émotionnelles, affectives, culturelles et artistiques d’un être humain qui co-évolue de façon permanente dans des processus systémiques et interdépendants composés d’énergie, de matière et d’information (Collado, 2016b).

5 Conclusions cosmodernes

À la lumière des arguments et études exposés, nous pouvons conclure que l’intégration des savoirs scientifiques et ancestraux constitue un dialogue inter-épistémologique qui conjugue des connaissances et des compétences transdisciplinaires pour l’articulation d’une éducation pour le Bien-vivre qui émancipe, conscientise et sensibilise à la citoyenneté mondiale du XXI siècle. Marcher vers le Bien-vivre comporte la transformation de la racine de la matrice productive d’un système capitaliste qui objectivise la nature pour produire des apports monétaires qui manquent de valeur intrinsèque. Selon Javier Collado, Dante Galeffi, et Roberto Ponczek (2014) le paradigme de la cosmodernité est une métamorphose civilisatrice où le genre humain réinvente sa relation avec la nature, aussi connue comme le sacré dans les visions du monde ancestrales des peuples originaires indigènes. Cela signifie devoir cesser d’exploiter la nature et apprendre d’elle comme si elle était un modèle, une mesure et un mentor qui nous permet d’intégrer harmoniquement la technosphère et la sociosphère avec le continuum de la biosphère.

Le paradigme de la cosmodernité émerge sous les postulats de la coopération internationale, de la solidarité intergénérationnelle et de la co-évolution harmonique des systèmes culturels humains avec les écosystèmes de la nature. Cristina Núñez (2012, p. 109), anthropologue, explique que «l’expérience éducative transdisciplinaire pour le développement durable inclut la dimension spirituelle comme noyau pour la création dans nos sociétés, au niveau local et mondial». Cela signifie que le succès éducatif ne peut pas se réduire à une simple quantification menée à bien par le biais d’épreuves standardisées de compréhension en lecture, sciences ou mathématiques, comme avec les épreuves PISA de l’OCDE. Le véritable succès éducatif s’établit dans le fait que les étudiants aient des expériences spirituelles, émotionnelles et psychosomatiques entre le corps et l’esprit avec l’intention de développer des connexions profondes avec les autres personnes, avec la vie, avec la nature et avec le cosmos. Donc, nous devons enseigner aux enseignants que la nature a le droit au respect intégral de son existence e nous devons restaurer tous ses écosystèmes à travers une culture régénératrice dans les écoles.

Aller vers l'objectif de cultures régénératives nécessite des changements fondamentaux dans les attitudes et les comportements humains. Mais former des éducateurs transdisciplinaires dans le domaine théorique des Sciences de l’Éducation pour le Bien Vivre signifie (re)concevoir des cultures régénératives, afin de transformer nos relations actuelles avec la nature et de résoudre les problèmes liés au changement climatique. Le concept de développement régénératif n’est pas simple, et il n’existe pas de feuille de route indiquant la marche à suivre. Cependant, le temps presse et il est urgent d'agir sans tarder. Nous devons avancer maintenant, dans un esprit d'exploration et d'expérimentation et avec le plus grand nombre possible de partenaires, afin de contribuer, par le biais de l'éducation, à corriger les tendances qui mettent en péril notre avenir commun dans la phase historique du changement global de l'Anthropocène.

L’Anthropocène est un croisement historique qui exige la conception de la résilience comme un processus complexe et transdimensionnel qui se trouve à l’intérieur et à l’extérieur de l’être humain en même temps. Il représente également une opportunité historique pour reformuler nos valeurs sur le sacré, ainsi que l’opportunité de créer de nouveaux modèles de formation incluant les compétences d’un «Bien-vivre». Éviter le désastre écologique et civilisateur annoncé exige de repenser les défis présents et futurs à travers une vision cosmoderne holistique, systématique et transversale, sans oublier les visions épistémiques et les traditions culturelles locales. Finalement, les Sciences de l’Éducation pour Bien-vivre doivent se configurer depuis une épistémologie ouverte à de multiples dimensions formatives. Les enseignants du XXI siècle auront besoin de les rendre optimales pour transformer leur réalité socio-écologique. Les enseignants sont les graines de l’avenir. Allons tous ensemble pour régénérer la planète !

6 Referencias

Acosta, Alberto (2013). El Buen Vivir. Sumak Kawsay, una oportunidad para imaginar otros mundos. Barcelona: Icaria.

Álvarez, Freddy (2013). El buen vivir: un paradigma anticapitalista. Quito: Editorial Adya-Yala.

Barrau, Aurélien; Gyger, Patrick; Kistler, Max & Uzan, Jean-Philippe (2010). Multivers. Mondes possibles de l’astrophysique, de la philosophie et de l’imaginaire. Paris: La Ville Brue.

Blanchot, Maurice (2002) El espacio literario. Madrid: Editorial Nacional.

Capra, Fritjof (1998). La trama de la vida, una perspectiva de los sistemas vivos. Barcelona: Editorial Anagrama.

Collado, Javier (2016a). Una perspectiva transdisciplinar y biomimética a la educación para la ciudadanía mundial. Educere, 65, 113-129.

Collado, Javier (2016b). La bioética como ciencia transdisciplinar de la complejidad : una introducción coevolutiva desde la Gran Historia. Revista Colombiana de Bioética, 11(1), 54-67. https://doi.org/10.18270/rcb.v11i1.1813

Collado, Javier (2016c). La huella socioecológica de la globalización. Sociedad y Ambiente, 11, 92-121.

Collado, Javier (2016d). Paradigmas epistemológicos en Filosofía, Ciencia y Educación. Ensayos Cosmodernos. Saarbrüken: Editorial Académica Española.

Collado, Javier; Galeffi, Dante & Ponczek, Roberto (2014) O Paradigma da Cosmodernidade: Uma abordagem transdisciplinar à educação para a cidadania global proposta pela UNESCO. FAEEBA: Educação e Contemporaneidade, 23, pp. 141-152. https://doi.org/10.21879/faeeba2358-0194.v23.n42.1034

Collado, Javier; Madroñero, Mario & Álvarez, Freddy (2018). La educación transdisciplinar: formando en competencias para el buen vivir. Revista Ensaio: Avaliação e Políticas Públicas em Educação, 26(100), 619-644. http://dx.doi.org/10.1590/s0104-40362018002601487

Collado, Javier; Madroñero, Mario & Álvarez, Freddy (2019). Training Transdisciplinary Educators: Intercultural Learning and Regenerative Practices in Ecuador. Studies in Philosophy and Education, 39, 177-194. https://doi.org/10.1007/s11217-019-09652-5

Cottereau, Dominique (2001). Pour une formation écologique: complémentarité des logiques de formation. Revista Éducation Permanente, 148, 57-67.

Cottereau, Dominique (2005). Ecoformation: entre soi et le monde. Revue Pour, Dossier Education à l’environnement, 187, 111-117.

Escobar, Arturo (2014). Sentipensar con la tierra. Nuevas lecturas sobre desarrollo, territorio y diferencia. Medellín: UNAULA.

Galceran, Montserrat (2013). Entre la academia y el mercado. Las universidades en el contexto del capitalismo basado en el conocimiento. Athenea Digital, 13(1), 155-167. https://doi.org/10.5565/rev/athenead/v13n1.1038

Galvani, Pascal (2001). Ecoformation et cultures amérindinnes. Revista Education Permanente, 148, 85-95. https://www.dropbox.com/s/xf426rakm1159ab/Ecoformation%20et%20%20cultures%20am%C3%A9rindiennes%20%C3%89duc%20Perm.pdf?dl=0

Galvani, Pascal (2002). A autoformação, uma perspectiva transpessoal, transdisciplinar e transcultural. En A. Sommerman, Maria F. de Mello et Vitória M. de Barros (Orgs.), Educação e transdisciplinaridade II (pp. 93-122). São Paulo: TRIOM. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000129707

Gardner, Howard (1983). Frames of Mind: The Theory of Multiple Intelligence. New York: Basic Books.

Goleman, Daniel (1995). Inteligência Emocional. Rio do Janeiro: Objetiva.

Guattari, Felix (1996). Caosmosis. Buenos Aires: Manantial.

Hathaway, Math & Boff, Leonardo (2014). El Tao de la liberación. Una ecología de la transformación. Madrid: Trotta.

Kontopoulos, Kyriakos (1993). The logics of social structure. London: Routeledge.

Kopenawa, Davi & Bruce, Albert (2013). The Falling sky. Words of a Yanomami Shaman. Cambridge: The Belknap Press. https://doi.org/10.4159/harvard.9780674726116

Kopenawa, Davi & Bruce, Albert (2015). A queda du céu. Palavras de un xamâ yanomami. São Paolo: Companhia das letras.

Krishnamurti, Jiddu (1966). A mutação interior. São Paulo: Cultrix.

Krishnamurti, Jiddu (1991). Sobre a natureza e o meio ambiente. São Paulo: Perspectiva.

Madroñero, Mario (2015). Flujos de ingobernabilidad. Don y derecho alter-nativo. Mundos plurales. Revista latinoamericana de políticas y acción pública. 2(2). 71-92. https://doi.org/10.17141/mundosplurales.2.2015.1985

Margulis, Lynn & Lovelock, James (1989). Gaia and Geognosy. Global Ecology: towards a science of the biosphere. San Diego: Academic Press Inc.

Maturana, Humberto & Varela, Francisco (2011). A Árvore do Conhecimento. As bases biológicas da compreensão humana. São Paulo: Palas Athena.

Meillassoux, Quentin (2015). Despúes de la finitud. Ensayo sobre la necesidad de la contingencia. Buenos Aires: Caja Negra Editora.

Morin, Edgar (2011). La Vía. Para el futuro de la humanidad. Barcelona: Paidós.

Moya, Ruth (2017). La Selva y la nacionalidad sápara: Espiritualidad, conocimientos y biodiversidad. Quito: Instituto de Idiomas, Ciencias y Saberes Ancestrales.

Müller, Eduard (2018). Regenerative Development in Higher Education: Costa Rica’s Perspective. In: N. Gleason (Eds.), Higher Education in the Era of the Fourth Industrial Revolution (pp. 121-144). Singapore: Palgrave Macmillan. https://doi.org/10.1007/978- 981-13-0194-0_6

Nicolescu, Basarab (2008). O Manifesto da Transdisciplinaridade. São Paulo: TRIOM.

Nuñez, María Cristina (2012). Sustainability and Spirituality: A Transdisciplinary Perspective. In Basarab Nicolescu (Ed.), Transdisciplinarity and Sustainability. (pp. 102-111). Lubbock, Texas: TheATLAS publishing.

Paul, Patrick (2009). Formação do sujeito e transdisciplinariedade: história de vida profissional e imaginal. São Paulo: TRIOM.

Panikkar, Raimon (2005). De la mística. Experiencia plena de la vida. Barcelona: Herder.

Pasquier, Florent (2013). Pédagogies nouvelles, nouvelles pédagogies? La lettre. Eduquer à la non-violence et à la paix. 26, 3-6.

Pasquier, Florent (2014). Au-delà de la science et de la spiritualité, le Transpersonnel. Bulletin du transpersonnel, 117, 23-25.

Pessoa, Fernando (1997). El libro del desasosiego de Bernardo Soares. Barcelona: Seix Barrai.

Pineau, Gaston (2004). Temporalidades na formação. São Paulo: TRIOM.

Rivera Cusicanqui, Silvia (2010). Ch’ixinakax utxiwa: una reflexión sobre prácticas y discursos descolonizadores. Buenos Aires: Tinta Limón y Retazos.

Rivera Cusicanqui, Silvia (2017). Comunalidades anarquistas. Una aproximación testimonial. In: Asociación latinoamericana de antropología. Retriewed from: http://www.asociacionlatinoamericanadeantropologia.net/congreso2017/Rivera.%20Comunalidades%20anarquistas.pdf

Santos, Boaventura (2009). Una epistemología del sur. Mexico D. F.: Siglo XXI, CLACSO Ediciones.

Sommerman, Ammerico (2012). A interdisciplinaridade e a transdisciplinaridade como novas formas de conhecimento para a articulação de saberes no contexto da ciência e do conhecimento em geral: contribuição para os campos da Educação, da Saúde e do Meio Ambiente. Unpublushed PhD Tesis, Universidade Federal da Bahia (Brasil).

Steffen, Will; Crutzen, Paul & McNeill, John (2007). “The Anthropocene: Are Humans Now Overwhelming the Great Forces of Nature?” AMBIO: A Journal of the Human Environment, 36(8), 614-621. https://doi.org/10.1579

Tortosa, José María (2009). Sumak Kawsay, Suma Qamaña, Buen Vivir. Madrid: Fundación Carolina.

Wackernagel, Mathis. & Rees, William. (1996). Our Ecological Footprint. Reducing Human Impact on the Earth. Gabriola Island: New Society Publishers.

Winter, Juan Duchesne. (2015) Caribe, Carinaba: cosmografías literarias. San Juan: Ediciones Callejón.

Zohar, Danah & Marshall, Ian (2000). SQ. Spiritual Intelligence. The Ultimate Intelligence. Connecting with our Spiritual Intelligence. London: Bloomsbury Publishing.